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Vague écoresponsable à Annecy : où en est le projet Annecy Wave ?

Vague écoresponsable à Annecy : où en est le projet Annecy Wave ?

Interview de Charles Aubert sur Annecy Wave, Meo River et les Surfeurs d’Eau Douce.

Une vague écologique à Annecy pour rétablir le lien entre les habitants et la rivière, tout en créant un nouveau lieu de vie au coeur de la ville : c’est l’essence du projet Annecy Wave.

Made Nature a rencontré Charles, l’un des fondateurs, afin d’en savoir plus sur le projet de vague en rivière qui suscite beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, pour les passionnés de surf aussi bien que pour des promeneurs, du fait de sa dimension à la fois écologique et sociale.

Annécien dans l’âme, grand sportif et voyageur, Charles est designer indépendant, il occupe également un poste à mi-temps à l’atelier Ripair qui contrôle, répare les parapentes et réalise de la conception. Passionné de sport outdoor et des sports aquatiques tels que la pêche et le surf de rivière, il est l’initiateur et l’un des porteurs du projet Annecy Wave qui consiste à créer une vague artificielle dans le Thiou, déversoir naturelle du lac qui traverse la ville d’Annecy.

  • Made Nature : Comment avez-vous mis en place ce projet ?

Charles : J’ai développé la start-up Meo River, incubée à l’Annecy Base Camp et travaillé avec le réseau OSV (Outdoor Sports Valley) qui m’a permis d’accomplir beaucoup de choses par rapport à l’étude de marché. Cela m’a permis de comprendre la complexité de monter une start-up, la difficulté de monter une équipe et de travailler sur toute la phase de pré-création d’une entreprise.

Aujourd’hui j’en suis encore à cette phase là. Le projet est très complexe, car il s’agit de développer des synergies dans un milieu public et en même temps privé, puisque certains barrages appartiennent à des particuliers. Tant que l’on n’a pas le premier site pilote fonctionnel, il est difficile de pouvoir se lancer. La start-up est donc en stand-by pour le moment, mais pour le coup on a essayé de prendre le contre-pied en créant l’association Surfeurs d’Eau Douce.

  • Made Nature : Combien de personnes compte aujourd’hui l’équipe des Surfeurs D’eau Douce ?

Charles : Le bureau membre est composé de 15 personnes membre du comité d’administration + une 50aine d’adhérents. C’est déjà une bonne équipe compte tenu qu’il n’y a pas encore de vague à Annecy

  • Made Nature : Et vous vous occupez principalement du projet Meo River ?

Charles : Tout ce qui a été créé par Meo River a été en quelque sorte transmis à Surfeurs d’Eau Douce. Ce transfert, on essaie de ne pas le faire d’un coup, mais plutôt en recrutant des personnes qui sont vraiment engagées, qui prennent le temps de comprendre la complexité d’un tel projet et qui s’engagent à aller au bout du projet. Mon rêve est que l’association porteuse du projet puisse gérer demain l’espace Annecy Wave.

  • Made Nature : D’où vous est venu cette idée ? Quels sont vos objectifs ?

Charles : En fait c’est assez intéressant car l’idée vient de 2 choses. Tout d’abord d’une réflexion que j’ai eu sur la relation des humains et de l’élément eau. Ensuite, pour le côté plutôt intuitif et amusant : celui de faire du sport.
En fin d’étude, en Master, j’ai travaillé sur la relation entre l’homme et l’eau. Mes recherches de lecture et autres m’ont amené à réfléchir sur cette relation que l’on a avec l’eau. Je me suis aperçu que depuis le début du XXème siècle, avec l’arrivée des grands aménagements et autres, notre civilisation s’est mise à se servir de l’eau comme d’un bien matériel, sans vie. Et pourtant, l’eau est source de vie, elle nous est vitale, et cette eau avec qui nous jouons doit donc rester libre.

De cette réflexion découle un constat amer : nous avons perdu la relation de base avec l’eau, qui nous lie à la vie, alors que nous sommes nous-même principalement composés d’eau… La problématique fût logique : Quelle nouvelle relation peut-ont établir avec l‘eau ? Je me suis alors focalisé sur la rivière, source de la vie, des océans et des villes.

Qui ? Quoi ? Comment ? Quels sont les acteurs engagés autour de l’eau ? Qui la gère ? Qui s’en sert ? On se sert de la rivière pour beaucoup de choses : pour se nourrir, pour boire, on s’en sert comme toilettes aussi malheureusement. On pratique des activités sportives comme le kayak, la pêche et autres. L’eau est vitale, on se la partage, elle est libre, cela coule de source.

J’ai identifié des problématiques humaines et sociales autour des rivières : leur usage, leur gestion, leur partage. Puis j’ai identifié l’un des problèmes environnemental en rivière: celui des barrages. Créer un pont c’est intéressant pour rassembler des gens au-dessus de l’eau, mais créer un barrage c’est bloquer quelque chose, comme une veine, et dans ce cas, il y a indéniablement un fort impact sur la rivière : il en découle le concept de continuité écologique.
Après avoir identifié ces deux problématiques liées, humaine et environnemental autour de la rivière, j’ai pris le temps par le dessin, le design, de réfléchir à comment nous pourrions améliorer ces barrages et répondre aux deux problématiques. Peut-on imaginer un équipement qui permettrait de rapprocher des humains à ces endroits, tout en leur permettant de bénéficier du lieu ?

MEO River Concept propose une réponse à cette question en ouvrant ces barrages et en créant un espace de vie, d’échange avec une vague de surf sans énergie. Un projet innovant qui permet à tous de venir au bord de la rivière pour s’amuser et apprendre autour de l’eau, dans le partage et le respect de la rivière. Le premier site imaginé fut sur le Fier, au niveau du pont de Brogny.

La difficulté d’une pratique nouvelle est : comment  l’intégrer en étant responsable par rapport aux autres usagers. Lorsque l’on intègre une nouvelle population sur un espace il faut impérativement aller à la rencontre des usagers locaux et définir les besoins de chacun afin de trouver des solutions pour que tout le monde puisse s’entendre.
Et en fait Annecy Wave c’est cela : un projet collaboratif autour de la rivière le Thiou, à la fois environnemental social et sportif.

  • Made Nature : Le projet est donc principalement porté sur le Thiou ?

Charles : Aujourd’hui oui. On porte le projet sur le Thiou parce qu’il dispose d ‘un seuil situé sous la rocade, qui appartient à la mairie d’Annecy. Il n’est pas utilisé et est à l’abandon. Or on voit très bien que lorsqu’il y a des grands lâchés d’eau ça abîmes les berges, le lieu. De plus, cet espace est idéal car il est au centre de la ville. On pourrait créer le lieu que les gens attendent pour se détendre et se divertir, à deux pas de chez eux…
Aujourd’hui il est un petit peu compliqué de faire aboutir le projet final, c’est pourquoi on propose une étape de transition aux élus en proposant une vague « démontable », temporaire, qui fonctionnerait pendant une partie de l’année.
Cela prouverait que oui, Surfeurs d’Eau Douce à un vrai rôle à jouer dans cet endroit et qu’Annecy Wave est un lieu d’intérêt pour la ville d’Annecy.

  • Made Nature : Quand le projet devrait-il voir le jour ?

Charles : Des techniciens se sont engagés à me répondre pour septembre. Nous demandons à la collectivité de nous faire confiance et de nous signer un bail, c’est-à-dire qu’on deviendrait locataire de l’espace.
De notre coté, nous nous occupons de toutes les démarches légales nécessaire pour pouvoir aménager ce projet, qui reste démontable, et cela sans modifier la rivière, ni le cours d’eau ni l’écosystème, et sans modifier les débits. Notre souhait est de s’adapter à ce que la nature nous donne : c’est vraiment ce qu’on essaie de promouvoir. En tout cas c’est ma philosophie.

En tant que pratiquant régulier de surf, de parapente, de pêche, et différents sports outdoor, on vit et on pratique avec son environnement et c’est ce qui nous plaît : comprendre la météo, voir ces variations, tomber sur le jour « parfait »…

  • Made Nature : D’un point de vue technique, comment allez-vous y prendre pour créer cette vague artificielle ?

Charles : Sur le seuil en question, le barrage est bétonné ; l’idée serait de le démonter pour faire un lit de rivière propre qui serait beaucoup plus naturel : par contre cela a des coûts conséquents. Actuellement, on peut venir poser une structure dessus sans forcément modifier le lit de la rivière.

En fait, pour faire une vague nous avons besoins d’une hauteur de chute et d’une quantité d’eau. C’est le propre poids de l’eau qui dans une pente s’accélère et vient frapper une rétention d’eau, qui elle est plus lente: l’eau va alors venir s’élever : on appelle cela un ressaut hydraulique.

  • Made Nature : En quoi le projet est-il écoresponsable ?

Charles : Le projet Annecy Wave est écoresponsable pour plusieurs raisons. Économiquement durable, il ne nécessite pas d’énergie pour générer la vague, sans impact écologique (sous certaines conditions), il peut être une solution au problème de continuité écologique de certains seuils.

D’un point de vue sociologique, c’est une réponse aux besoins humains, plus particulièrement aux usagers de la rivière. Au delà de la vague, Annecy Wave mettra à disposition un espace de vie partagé autour de la rivière. Faire du lieu un espace d’accueil culturel et sportif, avec des informations sur comment fonctionne la rivière, comment remontent les poissons, quelle est la nécessité d’avoir des plantes au bord des rivières et en plus… leur apprendre à surfer.
En bref, une réponse à la transition culturelle nécessaire à mon sens pour vivre de manière plus responsable, sans pour autant interdire de pratiquer son activité dans le milieu outdoor.

  • Made Nature : Est-ce que ce projet de vague pourrait avoir un impact ou influencer la vie aquatique ?

Charles : La vague n’aura pas d’impact sur la vie aquatique. Au contraire, elle pourra, dans certains lieux, être une réponse à des problématiques de gestion piscicole et ou de réserves qui pourrait limiter le braconnage, ce qui est vraiment intéressant.

Répondre au besoin de l’un et à la problématique de l’autre, c’est ce que l’on a fait avec le projet Annecy Wave ; aller à la rencontre des usagers, des partenaires pour comprendre leurs besoins et problématiques, puis trouver des solutions interdépendantes qui se complètent. Je pense qu’aujourd’hui il y a beaucoup de travail à faire dans ce sens, faire en sorte de répondre aux besoins de chacun, et ne pas uniquement se focaliser un seul objectif et un seul usage.

  • Made Nature : Pourquoi faire du surf de rivière ?

Charles : Parce que c’est cool. En fait quand tu es passionné de surf, tu sais que pour aller sur la côte il faut faire des heures de route pour y aller, ça a un coût, tu vas polluer, et en plus, on a tout ce qu’il faut à côté de nous.

L’approche est un peu différente, mais on reste avec le même matériel que le surf, des sensations similaires, les mêmes potes et surtout le même smile à la fin de la session.

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